mercredi, 08 avril 2015 07:02

Bisphénol A et intolérance alimentaire, un lien établi pour la première fois

Plus de 20% de la population mondiale souffre d’allergie ou d’intolérance alimentaires. Une origine environnementale à ces réactions alimentaires secondaires est fortement suspectée. Dans ce contexte et pour la première fois, une équipe de chercheurs de l’Inra à Toulouse vient de montrer qu'une exposition périnatale à de faibles doses de Bisphénol A (BPA), considérées sans risque pour l'Homme, pouvait augmenter le risque de développer une intolérance alimentaire à l’âge adulte.

Ces résultats appuient la décision des pouvoirs publics français qui ont interdit l'utilisation du BPA dans les contenants alimentaires destinés aux nourrissons dès 2013, et pour tous les emballages alimentaires en 2015.

L’exposition humaine aux perturbateurs endocriniens, en particulier celle au bisphénol A, est omniprésente dans notre quotidien. Les risques potentiels pour le consommateur de ce contaminant chimique issu majoritairement des emballages alimentaires ont fait l'objet de plusieurs rapports, parfois contradictoires, des agences sanitaires françaises et internationales au cours des cinq dernières années. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a publié en avril 2013 un avis sur le bisphénol A recommandant de limiter l'exposition à cette substance et de revoir à la baisse les seuils toxicologiques sur lesquels est basée l'évaluation du risque. L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a d'ailleurs, quelques mois plus tard, proposé d'appliquer au bisphénol A une valeur limite dix fois plus faible que celle jusque-là en vigueur, soit 5µg/kg poids corporel/jour.

Les chercheurs de l’unité de Toxicologie alimentaire (TOXALIM) de l’Inra à Toulouse ont démontré chez des rats qu’une exposition périnatale (in utero et pendant l’allaitement) au bisphénol A (BPA), à de faibles doses, a des conséquences sur le développement du système immunitaire et prédispose leur descendance à une intolérance alimentaire à l’âge adulte.
Dans leur étude, les chercheurs de l’Inra ont utilisé deux groupes de rates gestantes. Un groupe a reçu par voie orale une dose quotidienne de BPA, à 5 μg/kg de poids corporel, depuis la gestation jusqu’au sevrage des nouveau-nés à 21 jours. L’autre groupe (témoin) n’a pas reçu de BPA. Ce sont ensuite les nouveau-nés issus de ces deux groupes qui ont été étudiés. A l’âge adulte, soit à 45 jours, ces animaux ont été nourris avec de l’ovalbumine, une protéine du blanc d’œuf, qui ne figurait pas précédemment dans leur régime alimentaire. Les scientifiques ont alors observé une réaction immunitaire dirigée contre l'ovalbumine chez les animaux qui avaient été exposés au BPA au cours de leur développement. Les rats descendant du groupe témoin ont quant à eux développé une tolérance alimentaire vis-à-vis de l'ovalbumine, qui se traduit par une absence de réponse immunitaire. De plus, l’administration orale répétée de l’ovalbumine chez les rats exposés par leur mère au BPA a induit une inflammation du côlon de ces animaux, attestant d’une intolérance alimentaire.

Dans l’étude réalisée à l’Inra les chercheurs ont testé différentes doses (0,5, 5 et 50μg/kg poids corporel/ jour) et mis en évidence une relation non linéaire entre les doses de BPA et les effets indésirables observés. En particulier les perturbations les plus importantes ont été observées à la dose de 5μg/kg poids corporel/jour, c'est-à-dire à la dose considérée sans risque pour l'Homme par l'EFSA. Ces nouvelles données soulèvent la difficulté de fixer une dose journalière tolérable sûre pour le BPA.
Ces nouveaux résultats contribuent à caractériser les effets délétères du BPA sur le système immunitaire, à de faibles niveaux d'exposition, et à des âges auxquels l'individu est particulièrement vulnérable car immature : le fœtus et le nourrisson.

Ces résultats appuient la décision des pouvoirs publics français qui ont interdit l'utilisation du BPA dans les contenants alimentaires destinés aux nourrissons dès 2013, et pour tous les emballages alimentaires en 2015. Les approches mises en place pour étudier les effets du BPA sur le système immunitaire pourront être appliquées à d'autres perturbateurs endocriniens, en particulier aux substances candidates au remplacement du BPA pour les emballages alimentaires de nouvelle génération.

L'étude a été menée par des équipes de l’unité Toxicologie alimentaire (Toxalim) au centre Inra de Toulouse Midi-Pyrénées, et financée par le département « Alimentation humaine » de l’Inra et par l'Agence Nationale pour la Recherche, dans le cadre du projet PERINATOX coordonné par Eric Houdeau depuis 2010.
Référence

Voyage et Nourriture

  • 1